Le décret-loi royal 7/2019 du 1er mars sur les mesures urgentes en matière de logement et de loyer déclare dans son préambule que, grâce à ses changements en matière d’expulsion en cas de loyers impayés, en Espagne « la procédure est clarifiée, en introduisant une plus grande sécurité juridique et des mesures spécifiques pour faire face aux situations qui exigent une protection sociale accrue. »
Analysons sa principale nouveauté procédurale. Le nouveau cinquième paragraphe de l’article 441 du Code de procédure civile espagnol dit:
« Dans le cas du numéro 1 de l’article 250.1, le défendeur sera informé de la possibilité de s’adresser aux services sociaux et, dans ce cas, de la possibilité d’autoriser le transfert de ses données à ceux-ci, afin qu’ils puissent apprécier une possible situation de vulnérabilité. Aux mêmes fins, l’existence de la procédure sera communiquée par la Cour aux services sociaux. Si les services sociaux confirment que le ménage concerné se trouve dans une situation de vulnérabilité sociale et / ou économique, l’organe judiciaire en sera immédiatement informé. Une fois que la communication a été reçue, le greffier suspendra le procès jusqu’à l’adoption des mesures jugées appropriées par les services sociaux, pour une période maximale d’un mois à compter de la réception de la communication des services sociaux au tribunal, ou trois mois si le demandeur est une personne morale. »
En cas de demande d’expulsion pour non-paiement de loyer, la réforme introduit la communication de la procédure aux services sociaux pour indiquer si le débiteur est en situation de vulnérabilité sociale. A priori, il semble que ce soit à l’initiative du défendeur qui, compte tenu de ses difficultés, décide si sa situation est ou non communiquée aux services sociaux. Mais la règle stipule expressément que la Cour procédera en tout cas à cette communication. La démarche est déroutante mais le destin semble inévitable: il suffit que le défendeur mentionne qu’il est dans une situation de vulnérabilité pour que la Cour ouvre cette procédure.
Si la situation de vulnérabilité est confirmée par les services sociaux, le législateur prévoit expressément la suspension de la procédure et la limite à un mois au maximum afin de spécifier les mesures de protection appropriées. Si le propriétaire est une personne morale, il la prolonge jusqu’à trois mois. En pratique en Espagne, il n’existe aucun procès d’expulsion implacable qui oblige le débiteur à quitter son domicile en quelques semaines. Ils sont une minorité les tribunaux qui traitent une procédure d’expulsion en moins de six mois à compter du dépôt de la demande jusqu’à la date de la libération. Par conséquent, un débiteur de bonne foi a amplement le temps d’aller aux services sociaux et de se voir proposer les solutions disponibles. La suspension n’est pas un besoin réel.
Mais ce mois ou ces trois mois supplémentaires ne sont pas le fardeau le plus lourd que le propriétaire va subir. L’article ne précise pas les effets de la première communication sur l’existence de la procédure d’expulsion aux services sociaux. Il y a déjà des tribunaux qui croient que la suspension doit s’appliquer à partir de ce moment. Comme la norme ne limite pas le temps dont dispose cet organe pour émettre son rapport, nous sommes de facto confrontés à une suspension indéfinie.
C’est plus conforme à la loi que le procès se déroule sans arrêt au moins jusqu’au moment où l’évaluation soit réalisée. La procédure judiciaire en soi prend suffisamment du temps pour formuler la consultation et recevoir la réponse avant du jour de l’expulsion, de sorte qu’il n’est pas nécessaire que la communication aux services sociaux produise des effets suspensifs. Au cas où la Cour n’avait pas encore reçu la réponse, elle pourrait toujours invalider la signalisation de l’expulsion et en créer une nouvelle. La loi mentionne expressément la suspension pour les cas dans lesquels le rapport conclut qu’il y a un risque de vulnérabilité. Quoi qu’il arrive cette suspension est limitée à un délai de un ou trois mois. La nouvelle règle ne prescrit pas la suspension en tout cas et indéfiniment, mais uniquement à une seule situation et avec un délai très précis. Cependant, avec son ambiguïté, le nouveau cinquième point de l’article 441 du Code de procédure civile a fait que dans de nombreux tribunaux, le procès s’arrête sine die.
Le législateur a obtenu exactement le contraire de ce qu’il a proposé dans le préambule du décret-loi royal 7/2019. Au lieu de la clarté, la réforme ajoute de la confusion, conduisant à une suspension systématique de la procédure pour une durée indéterminée. Au lieu de la sécurité, la règle inquiète le propriétaire en lui faisant passer par un deuxième organe administratif. Sans savoir combien de mois de procès encore ça peux signifier, beaucoup de propriétaires vont arrêter de louer leurs principaux avoirs à des personnes aux revenus incertains.
Et ce n’est qu’en échange d’un revenu plus élevé que d’autres seront disposés à assumer ce nouveau risque de passer encore plus de temps sans encaisser son loyer. Avec moins de logements disponibles, les propriétaires n’auront aucune difficulté à augmenter leurs loyers. Enfin, au lieu de fournir un accès au logement en location à des personnes ayant besoin de protection, la nouvelle mesure en augmentera son coût.
Mariano Arias Castellano